samedi 29 décembre 2012

Les géants blancs - Les Beni-Ouarain

Les Beni-Ouarain sont une confédération de 17 tribus berbères. Leurs ancêtres se sont installés vers le 9ième siècle dans la partie nord-est du Moyen Atlas.
Leur origine est probablement située dans le sud de la Tunisie. Ils parlent une langue berbère. Cependant, ils ne sont pas tous nomades, bien sûr, on trouve de l’élevage migratoire mais, il y a aussi de l’agriculture sédentaire. D'ailleurs, il y a toujours eu des habitations en pierre et en claie dans les vallées. Dans ces tribus, une part de la famille cultive les champs pendant que l’autre partie migre avec leurs troupeaux dans les montagnes autour de Tahala ou du plateau du Guercif.
La tradition du tapis noué chez les Beni-Ouarain, date du moment où ils sont arrivés dans la région.




C'est sous l'effet du climat que les Beni-Ouarin ont été contraints de fabriquer des tapis. En raison d'hivers très froids, les tapis devaient être très épais pour en faire des lits et des couvertures, ils servaient même pour les deux en même temps. D'où, leurs grandes et surtout, très longues dimensions.



D'une manière plus descriptive, ces tapis ont une laine de couleur naturelle, non teinte et sur fond blanc. Les motifs sont en laine brune ou noire. En plus, on y trouve rarement de symétrie et de bordures dans leur décor. La faible densité des nœuds est telle qu'elle lui donne une certaine souplesse. D'ailleurs, le nœud berbère se trouve seulement dans les tribus du Moyen Atlas, ce qui en fait une invention régionale autochtone.





L’art islamique a fortement influencé l’architecture et l’art marocain mais pas les femmes berbères. En effet, le symbolisme authentique du tapis berbère peut être considéré comme le dernier témoignage d’un monde imaginaire vieux de plusieurs millénaires. C'est un symbolisme qui découle d’un ancien culte de la fécondité et de la procréation. En raison de cet attachement aux traditions, les symboles sont ainsi transmis d’une génération à l’autre.

Par ailleurs, dans la croyance et les coutumes populaires des Berbères, il y a eu jusqu’à une époque récente d’étranges analogies entre l’agriculture, l’art du tissage et la maternité. De sorte que, le chant des femmes berbères qui accompagne la descente du tapis était textuellement le même que celui chanté pendant la récolte au champ.
En outre, les produits des Beni-Ouarain sont restés exempts de l’influence étrangère bien plus longtemps que ceux des autres tribus marocaines. Et ce, si bien que, jusqu'aux années 1990, ces tapis ont été fabriqués presque uniquement pour leurs propres ménages.

Sur le plan artistique, les Tapis Beni-Ouarain ont non seulement inspiré des peintres comme Paul Klee et le Corbusier mais encore, Henri Matisse, qui, en les découvrant, leur a donné le nom de « Géants blancs ».


lundi 17 décembre 2012

L'origine des Kilims

L’origine des kilims


De nombreux spécialistes s'interrogent sur l'origine du kilim, quelle culture ou quelle tribu l'a créé, d'où vient l’imaginaire des motifs, comment la tradition du kilim, les autres tissages et les motifs ont-ils interagis et évolués dans le temps ?

Kilim turc et kilim caucasien










Les différents points de vue sur l’origine des kilims peuvent être regroupés sous deux hypothèses générales. D’une part, les théories sur les Turkmènes et d’autre part, la "théorie de la déesse".

La première théorie mentionnée, considère que la tradition du tissage anatolien, incluant la technologie, la technique et les motifs sont un héritage des tribus turkmènes, dont la plus grande migration vers l’Anatolie remonte au 11ième siècle après JC à partir de l’Asie Centrale.


Kilim turc et sac noué Afshar (Iran)










Les discussions mettent l’accent sur une origine pan-asiatique, en traçant  l’origine du kilim dans le Khorasan (dans le Nord-Ouest de l’Iran). Historiquement, le pays d’origine des Turkmènes en Asie Centrale est situé à l’est de l’Iran entre la rivière Amu Darya et le Paropamisus, qui est une région toujours occupée par les Turkmènes d’Iran, d’Afghanistan et du Turkménistan.

La deuxième hypothèse, "The Goddess theory"  (ou théorie de la déesse) a été développée par l’archéologue Dr. James Mellaart après les trouvailles en 1960, sur les sites néolithiques de Catal Hüyük et Hacilar en Anatolie,  datant approximativement de 7000 avant JC. 

La "théorie de la déesse" voit ses origines en Anatolie même, avec comme argument que la tradition du tissage y existait depuis longtemps, voire avant les migrations Turkmènes. Ce qui signifie qu’au lieu d’être le produit d’une influence extérieure, le kilim serait le descendant direct des prototypes néolithiques qui, selon Mellaart, ont existé sous la forme de teintures exposées dans des lieux consacrés au culte d’une déesse de la fertilité.

Tapis Kirghistan et tapis du Caucase










Il est vrai qu’il n’y a pas de preuve d’une utilisation de laine durant ces premières périodes. Cependant, de simples fragments d’étoffes de funérailles en lin ont été trouvés sur le site, et cela prouve bel et bien qu’une certaine forme de tissage existait. Il est généralement accepté que les moutons étaient domestiqués autour de 7000 avant JC et que le sud-ouest de l’Asie était probablement leur lieu d’origine mais, la toison des moutons primitifs était grossière, poilue et quasiment inutilisable pour le tissage.
C’est, avant tout, un facteur crucial de savoir quand les tisserands anatoliens ont adapté le métier horizontal par rapport à la possibilité de la fabrication de tapisserie à relais ou à fente car, pour cette technique il faut une tension et une chaine stable. Mais les preuves documentées de l’existence de la laine utilisable pour le tissage, de la technologie du métier, des textiles polychromes et des techniques de tapisserie à relais, pendant la période néolithique n’ont pas encore été trouvées.

 Kilim turc et tapis turkmène










Toutefois, la première vraie vision claire du tissage Anatolien émerge des ruines de Gordion, un ancien site (datant de +/- 1200 avant JC) d’une ville Phrygienne au centre-ouest de l’Anatolie, qui est retenu comme l’endroit où Alexandre le Grand a coupé le légendaire nœud Gordien. Préservés dans les tombes, plusieurs fragments de textiles ont survécu, ainsi que différents types de tissage lisse, feutres, soumak, et des morceaux de tapisserie à relais.

Kilim turc et kilim Qash'qai (Iran)










 Kilim Timuri (Ouest Afghanistan) et tapis kurde (Nord-Ouest Iran)










Il existe une troisième théorie,  plus récente celle de James Opie développée, il y a une vingtaine d’années, dans son livre « Tapis de Tribus » où il parle de l’influence des traditions du tissage en provenance des montagnes du Zagros (Iran) sur les kilims anatoliens, par l’intermédiaire des populations Kurdes ou par l’influence des Arméniens venant du Caucase.  Nous reviendrons dessus ultérieurement.